Bonjour à tous,
Si je puis me permettre une remarque sur les langues celtiques, le proto-celtique et le gaulois dont je dispose de nombreux dictionnaires (Delamarre, Savignac, Gastal, etc. et éléments grammaticaux).
Tout d'abord :
non, les langues celtiques ne descendent pas du sanskrit. Le sanskrit est une langue indo-européenne de la famille des langues indo-aryennes. Le gaulois est une langue celtique de l'embranchement des langues celtiques continental. Un arbre des langues visible ici vous montre bien que les langues celtiques sont aussi proche du sanskrit que le français
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/4/4f/IndoEuropeanTree.svg/1500px-IndoEuropeanTree.svg.png .
Pour en revenir au gaulois, il s'agit d'une langue celtique de l'embranchement des langues celtiques continentales (toutes disparues : le celtibère, le lépontique, etc.). Ne subsistent aujourd'hui que les langues celtiques insulaires que sont :
- les langues gaéliques : incluant l'irlandais, le gaélique écossais et le mannois ;
les langues brittoniques : incluant le breton, le gallois, le cornique, etc.
Les langues celtiques descendent du proto-celtique, proche parent du proto-italique, et des proto-langues issues de l'indo-européen commun.
Au sujet du gaulois : le gaulois est une langue au contour mal défini du fait du peu d'attestations écrites. On a aujourd'hui environ 2000 noms gaulois, sans compter les noms propres (prénoms, nom de lieu, etc.). Ces noms sont attestés sur un espace géographique relativement étendu laissant penser que le gaulois était davantage un continuum dialectal (incluant le galate et peut-être le lépontique par exemple) qu'un ensemble homogène (même s'il est difficile de relever des dialectes avec si peu d'attestations).
Le vocabulaire gaulois connu aujourd'hui se décompose ainsi :
- * d'attestation gauloise en propre : c'est le plus facile : on prend le mot, on en compare le sens avec les mots proches dans les langues celtiques passées ou modernes, avec les langues romanes (occitan, oïl, etc.) existantes, avec l'éventuelle traduction en latin qui l'accompagne, avec les langues baltes, germaniques, indo-iraniennes, etc. (qui, descendant aussi de l'indo-européen commun ont des mots ressemblant) et on obtient sa traduction avec une relative certitude.
* de gloses en gaulois (parfois déformées) : là ça demande un peu plus d'esprit critique. En effet, le mot "avallo" est attesté dans le glossaire de Vienne, néanmoins les formes existantes aujourd'hui ou par le passé donne "aball" en vieil irlandais, "afall" en gallois, "avalenn" en breton, les noms propres "avallon", etc. Ces termes remontent tous à un proto-celtique *abalnā (l'astérisque signifie que c'est une reconstruction, le "a macron" signifie que la voyelle est longue), lui-même issu de l'indo-européen commun *h₂eph₃ol-n- (notez les h₂, h₃, etc. qui chacun ont donné des voyelles spécifiques dans différentes familles de langues, les consonnes sont plus facilement conservée). Tout cela a permis de déduire que la forme gauloise probable est *aballo- (le tiret final indique que la terminaison finale du mot en gaulois classique est incertaine : on sait que *aballo- était un thème en -o, mais on ne sait pas s'il était masculin (-os) ou neutre (-on).
* de termes gaulois directement repris en latin (dans ce cas la racine du mot est gauloise, la déclinaison est latine) : là ils sont nombreux : le gaulois et le latin avait beaucoup de similitudes, néanmoins la proximité en apparence des mots ne signifiaient pas que ces termes étaient systématiquement liés voire exact synonymes. Le latin ambactus par exemple était un emprunt fait au gaulois ambactos signifiant serviteur, et qui a donné "ambassade" en français.
* de reconstructions : les reconstructions sont des estimations faites par des linguistes professionnels. Elles sont de différents degré de certitude (par exemple *aballo- est considéré comme une reconstruction stable) et sont soumis à discussion entre linguistes. Par exemple, le terme pour "nez"/"narine" a été reconstruit à partir du français frogne, froigne « mine renfrognée », le lombard frignare, le vosgien frognon « groin » et du français de Haute-Saône freugnot sous la forme *frogna. Or l'usage du /f/ est un tabou parmi les spécialistes de la langue et beaucoup estiment encore que cette lettre n'était pas présente en gaulois tandis que d'autres estiment qu'elle a pu exister en gaulois tardif. On a donc en concurrence pour l'instant deux reconstructions *frogna et *srogna.
Voila, pour le gaulois. Tout cela pour dire que pour ces langues, mieux vaut se fier aux ouvrages de spécialistes de celles-ci qu'au travaux de personnes dont la spécialité est, par exemple, la toponymie et dont les connaissances ne s'étendent pas nécessairement à toutes les langues qui ont été parlée sur un territoire donné. Le travail d'un spécialiste dans un domaine A dont certains éléments s'étendent sur un domaine B doit toujours être lu avec une source du domaine B pour voir si telle ou telle reconstruction ou attestation est exactement reprise.
Au sujet de cette discussion et de ce hameau, je ne trouve pas le terme "ran" comme mot gaulois dans les dicos de Delamarre, Savignac et Gastal. J'émets donc un doute sur cela. La racine *randa (reconstruction) proposée par aviatge me semble assez pertinente. Le terme est reconstuit
- * à partir des noms propres en "-rande" : Aigurande, Eyguérande, Iguerande, Ingrande(s)
* a été traduit par le terme fines en latin (frontière)
* le terme aurait été utilisé dans le composé *icuoranda, décomposé en *ic(u)o/a- (eau) et *randa (limite)
* on a en vieil irlandais "rann" (division, part), en gallois rhan "part", en gascon "rendan", en languedocien "rande" et vieux haut allemand "rand", and allemand "Rand" (le Rand allemand a la même racine que le gaulois, donc en fait ces deux points se soutiennent) et en anglo-saxon "rand"
Y a-t-il une rivière par loin ? Y a-t-il une forêt pas loin (ou, y avait-il) ?
Bonne journée,