Vous connaissez visiblement votre sujet et à propos de la noblesse de ventre je ne vous ferai donc pas le coup du Barrois mouvant ou du Barrois non mouvant, par contre puisque la seule logique de la particule est celle de la possession d’un fief, que les autres participants à ce forum souffrent de lire encore quelques mots à ce sujet (les effets de l’acquisition d’un fief noble -il existait en effet des fiefs non nobles-).
Dans la France d'Ancien Régime il existait plusieurs moyens de s'agréger à la noblesse dont l'achat d'un fief noble et en rendre hommage durant trois générations (la tierce foi).
Cette possibilité fut offerte aux familles possédant alors assez de finances pour acquérir un ou plusieurs fiefs de ce type dès le haut Moyen Âge. Durant la longue période des Croisades (du XIe au XIIIe siècle), des familles nobles s'appauvrirent ainsi au profit de familles bourgeoises qui, à travers le commerce, purent s'enrichir, et donc racheter des fiefs leur appartenant.
En principe, seul un noble pouvait assurer le service noble, en particulier la guerre et les plaids, et donc rendre hommage pour une terre.
De ce fait, l'achat par un roturier d'un domaine noble ne portait que sur le domaine utile, le domaine éminent se trouvant automatiquement repris par le seigneur suzerain, avec paiement d'un droit de franc-fief compensant le service militaire qui n'était plus rendu.
Il était toutefois possible au suzerain de considérer le nouvel acquéreur comme noble, d'en faire son homme, et de recevoir l'hommage, ce qui revenait à l’anoblir.
Ce mode d’acquisition de la noblesse est réputé avoir pris fin lorsque les comtes et les ducs cessèrent de pouvoir armer chevalier ou anoblir.
Et en 1579, l'Ordonnance de Blois d’Henri III disposa que « les roturiers et non nobles, achetant fiefs nobles, ne seront pour ce anoblis, ni mis au rang et degrés des nobles, de quelque revenu et valeur que soient les fiefs par eux acquis ».
Cette entrée des puissances d’argent dans les rangs de la noblesse devenue massive à partir du 16e siècle est illustrée par un « gag » survenu à l’occasion de la Fronde (si ma mémoire est bonne).
Un grand seigneur du centre ouest (je ne me rappelle plus qui exactement) a voulu alors faire jouer la procédure féodale de la levée du ban et de l’arrière-ban… en convoquant tous ses vassaux (théoriques) dont il devait avoir une liste soigneusement tenue à jour.
Or il reçut maintes lettres de la part de ces malheureux (ou hypocrites trop heureux de) genre :
« Noble sire et très gentil seigneur, c’est avec joie plaisir et enthousiasme que j’aurais suivi votre panache blanc et versé mon sang dans votre ost anti-royal, mais, et croyez bien que je le regrette profondément, j’en suis tout morfondu……JE N’AI PAS LE DROIT DE PORTER l’ÉPÉE … »
Demandant donc à être « excusé ».
Je terminerai mon article sur l’obsession de la particule à partir du cas particulier des « de » Taillefumier….en versant au dossier un dernier document : le contrat de mariage de Demange (= Dominique) Taillefumier et Guillemette Fériet en 1574.
--------------------------------------------- ---------------------------------- -------------------------- ------------------ --------- ----------------------------------
« Parlement, Chambre des Comptes [biffé : Cham] et Cour des aides à Metz.
« Copie [en interligne : en parchemin] delivrée sur l'original deposé.
« 1574. Contrat de mariage de Dimanche DE TAILFUMIER, demeurant à St Dizier, fils de noble Nicolas DE TAILLEFUMIER, assisté de noble Jean DE TAILLEFUMIER, son oncle, et de Thiaude DE BAUDRIAN, son beau frere, demeurant à St Jouard, accordé le 12 du mois de decembre de l'an
1574 avec damoiselle Guillemette FERRIÉ, fille de noble Jean FERRIER, mayeur de Commerci, assisté de noble Nicolas D'HARAUCOURT et de Nicolas, Pantaleon et François THEVENIN, ses ses oncles à cause de leurs femmes, demeurans audit Commerci. En faveur duquel mariage, le pere dudit futur lui donne la somme de 1500 ecus sol et promet de l'habiller
et de lui faire son festin de noces franches selon sa qualité. Et ledit FERIÉ promet de donner à saditte fille la somme de 5000 l. barrois, avec un gagnage de la valeur de 1000 ecus, et de l'habiller, baguer et meubler ainsi que l'on avoit coutume de le faire pour les filles de bonne maison. Le douaire est de 200 ecus sol pour une fois seulement. Ce contrat passé devant Me Pierre FERRI fils et Pantaleon BRIGAUT qui en retint la minute, notaires au tabellionage de Commerci, Antoine FLEURI, ecuyer, Gilles DE RAMBERVILLIERS, aussi ecuyer, etant prevots, et les sieurs Claude FLEURI et Pierre FERRI, procureurs fiscaux en la prevoté de Commerci, en etant les gardes scels, est produit par copie signée LA CROIX, collationnée et delivrée sur l'original deposé en la Cour de Parlement, Chambre des comptes et Cour des Aides à Metz. »
------------------------------------ ---------------------------------------------------------------- ----------------------------------------------------- -------------
On peut donc constater que la particule y est grossièrement antidatée ou anachronique dans ce document, car un anoblissement n’a jamais été rétroactif. Or en l’occurrence c’est le fils à ce Demange qui a été anobli, pas lui.
C’est d’ailleurs pourquoi quand Louis XIV voulut récompenser …..je ne sais plus qui, C’EST SON PÈRE QU’IL FIT NOBLE ET NON LUI.
La remarque vaut a fortiori pour Jean Taillefumier, dont ce n’est même pas le fils qui a été anobli, MAIS LE NEVEU.
Quant à l’appellation « noble », vous savez ce que j’en pense je n'y reviendrai pas.
L’explication la plus simple est que le copiste A VOULU MÉNAGER LA SUSCEPTIBILITÉ non des TAILLEFUMIER de 1570, MAIS DE CEUX DU SIÈCLE D’APRÈS.
QUI EST AVÉRÉE PAR LA (petite) HISTOIRE DE COMMERCY.
Charles Emmanuel Dumont (et son Histoire de la Ville et des seigneurs de Commercy).
Volume II.
« Jean-Baptiste de Tailfumyer, beau-père du premier Malclerc, obtint par celui-ci toute la faveur désirable pour un sujet : protégé par son gendre, il devint procureur général de la seigneurie et se trouva investi de l’autorité la plus étendue. Quand le gouverneur s'absentait, il en remplissait les fonctions qui lui donnèrent peu à peu toute la morgue prétentieuse d'un homme qui se croit par la naissance au-dessus de ses semblables.
En décembre 1666, M. de Malclerc, retenu à Rome, avait écrit pour que l'on retardât l'élection de la mairie, sur laquelle il s'habituait à élever des prétentions contraires aux usages et à la charte. Tailfumyer, gouverneur par intérim, fait appeler le maire, Nicolas Florentin, auquel il transmet, d'un air assez hautain, les ordres de M. de Malclerc. Nicolas Florentin fait valoir les privilèges des habitants, invoque les usages, invoque la charte, et proteste contre l'empiétement projeté par le gouverneur. Se méfiant probablement de l'interprétation de Tailfumyer, il finit par lui demander communication de la lettre signée de M. de Malclerc. Mais le procureur général se prétendant insulté par cette demande, entre en colère, repousse le maire à coups de poing, lève sur lui sa canne, et jure que l'élection ne se fera pas. Le maire outragé se hâte de convoquer les habitants pour leur communiquer ce qui s'est passé et prendre leur avis. Mais par acclamation la résistance est votée ; l'assemblée en masse déclare que la mairie deviendra responsable de tout acte de faiblesse. Le lendemain, jour de la réunion annuelle, l'élection a lieu ; Nicolas Florentin, pour réparation des outrages qui lui ont été faits, est continué dans ses fonctions.
Ce triomphe, contre lequel le gouverneur par intérim était impuissant, ne fut pas sans amertume ; il mit l’Hôtel de Ville en hostilité avec le château… »
Volume III.
«… la suite nous en est inconnue, et depuis longtemps elle s’est perdue dans des alliances, s’étant surtout cachée dans des noms de terres, beaucoup plus sonores que ce nom assez trivial que, pour relever, ils changèrent quelquefois en celui de Tailfumyr…l’anoblissement de Nicolas fut contesté à son fils Jean-Baptiste, par les habitants de Commercy, qui ne pouvaient voir, sans humeur, cette famille toute nouvelle s’emparer des plus beaux postes et s’affranchir des charges de la communauté. On a vu que MM. de Tailfumyer, à différentes époques, furent peu traitables et oublièrent bien vite leur origine plébéienne. Un arrêt par défaut, rendu au Parlement de Paris vint renverser l’espoir des habitants en conservant à leur adversaire la noblesse et les privilèges qui y étaient attachés. Les frais à la charge de la ville s’élevèrent à……..pour le paiement desquels il poussa la rigueur jusqu’à saisir les biens de la communauté.
La véritable orthographe de la terminaison de son nom n’est pas facile à préciser… On peut, je le crois, présumer, sans injure, que peu flattés du mot « fumier », ces honorables seigneurs ont préféré la seconde manière qui, en outre, leur donnait l’apparence d’une origine étrangère, ce qui, en France, vu la difficulté des vérifications, fut toujours bien accueilli par les masses, plus indifférentes, encore qu’ignorantes ».
NB.BENE. LA PREMIÈRE LIGNE DU DOCUMENT RECONNAIT EN TOUTES LETTRES QUE CE QUI SUIT N’EST PAS L’ORIGINAL, MAIS UN VIDIMUS (une copie si l’on veut).
On peut donc en conclure raisonnablement que c’est ce « de » Taillefumier là (Dominique ou Demange) qui s’est le premier installé à Commercy (il a épousé la fille du « patron » - si l’on fait abstraction du damoiseau-), son père Nicolas (le dit taillefumière) étant bien, lui, domicilié à Saint-Joire.
Et que pour ce qui est de la famille de Guillemette, CONTRAIREMENT À CE QU’ÉCRIT DOM CALMET, elle n’était pas de Nancy. (Ah ces généalogistes !)
Ceci dit dans le cas qui fait l’objet de cette étude,
(QUI NE VISE QUE L’EMPLOI DE LA PARTICULE DEVANT UN PATRONYME N’ÉTANT VISIBLEMENT PAS UN NOM DE LIEU DANS LA LANGUE QUI L’A VU NAITRE)
la noblesse juridique de son fils Nicolas et de ses descendants A DONC BIEN ÉTÉ RECONNUE PAR LE PARLEMENT DE PARIS (arrêt de confirmation du 1er juillet 1661) et le propos de cet article n’est par coséquent pas de contester ladite noblesse au sens Ancien Régime du terme.
Tout au plus rappellerai-je qu’il est devenu seigneur de Pré-sur-Marne Valcourt et La Mothe/Lamotte non parce qu’il avait acheté ces fiefs, MAIS PARCE QU’IL AVAIT ÉPOUSE L’HÉRITIÈRE DE CES FIEFS, SIMONE LE CLERC (parce qu’il avait acheté la fille à sa mère devenue veuve, diront les mauvaises langues qui ne croient pas au coup de foudre).
-------------------------- ------------------------------------------------ --------------------------------------- ---------------------------------------- ------------------
PETITE QUESTION maintenant puisque certains sociétaires se sont étonnés du fait que je ne demandais rien.
Quelqu’un pourrait-il me dire où se trouve le La Mothe en question ? Il ne peut quand même pas s’agir de la ville forteresse construite en 1546 par la régente de Lorraine. Pourrait-il s’agir de la motte d’Attancourt ? Moi je connais cette motte comme étant un simple tumulus de l’âge du Fer pas comme un fief.
------------------------ ---------------------------------------- ------------------------------- ------------------------------------ --------------------------------------
Par contre pour surconclure je citerai Jacques Du Tillet (La Revue bleue, revue politique et littéraire, Volume 52 année 1893).
« Si un sujet de théâtre, pour être bon sujet, doit contenir une part de vérité générale, de cette vérité générale où l'on retrouve les sentiments immuables qui, sous des formes variables, poussent et font agir les hommes depuis que le monde est monde; si, en outre, il doit avoir quelque vérité particulière, c'est-à -dire s'il met en scène des ridicules particuliers à l'époque où vivent l'auteur et ses personnages, le sujet traité par M. Albin Valabrègue semble, à coup sûr, un excellent sujet de pièce. Il met en scène une part de sentiments éternels, puisqu'il nous montre l'effort continu et obstiné des hommes à se pousser au-dessus de la situation qu'ils tiennent. Et la forme qu'affecte ici ce sentiment éternel est bien propre à notre époque. Ainsi qu'il arrive souvent, l'avènement de la démocratie a eu un effet diamétralement opposé à celui qu'on pouvait en attendre. On eût dit que la bourgeoisie, les privilèges de la noblesse abolis, eût du être satisfaite que rien ne la distinguât plus de ce qu'on appelait les classes élevées, voir celles-ci redescendre à son niveau à elle, c'était, semble-t-il, de quoi remplir les plus médiocres et aussi les plus naturels de voeux. Au contraire, la noblesse étant, pour ainsi dire, venue de plain-pied avec la bourgeoisie, celle-ci, dans la révolution accomplie, n'a vu qu'une chose : la possibilité de pénétrer facilement sur un terrain qui lui était interdit jusqu'alors. Jamais on ne vit tant de nobles que depuis la disparition de la noblesse en tant que caste, jamais tant de titres ne furent mis au jour ; on remue les ducs à la pelle, les marquis poussent par grappes, et quant aux comtes, aux vicomtes et aux barons, seul le célèbre calculateur Inaudi pourrait en faire un dénombrement approximatif » (Jacques Du Tillet).
Pièces jointes.
Le PDF du mariage de Dimanche Taillefumier et Guillemette Ferrié.
La transcription dactylographiée.
Et, par acquit de conscience,
Les trente pages du document dans lequel se trouvait ce document.
-
Adjuntos
-
- Cm Taillefumier Ferrié 1574.docx
- (9.31 KiB) Descargado 1 vez
-
- Cm Demange et Guillemette.compressed.pdf
- (231.91 KiB) No descargado aún
-
- Le dossier complet.compressed.pdf
- (4.02 MiB) No descargado aún